Le point de départ du mouvement des Gilets Jaunes est l’augmentation de la taxe sur les carburants. En contrepartie, le gouvernement a proposé un certain nombre de mesures dont une prime de conversion de véhicules. Ce à quoi de nombreux gilets jaunes rétorquent qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter un nouveau véhicule.
Plutôt que de partir dans des polémiques picrocholines, pourrions-nous trouver une solution qui concilie les deux points ?
Ne pourrait-on pas transformer la prime à la reconversion en une prime au covoiturage ? Cela consisterait par exemple à ce que les vieux véhicules soient repris ( puis mis au rebus et recyclés) par des sociétés de covoiturage / ride sharing qui bénéficieraient aussi de cette prime pour mettre à disposition des véhicules électriques destinés au covoiturage dans les zones d’habitation des habitants bénéficiant des primes.
Cela redonnerait du pouvoir d’achat et aurait un effet écologique immédiat grâce au covoiturage.
Les problèmes posés par la prime à la conversion
La prime à la conversion pose plusieurs problèmes :
- le coût de rachat d’un véhicule (> 15 000€ TTC) qui rend la mesure caduque pour un grand nombre de personnes qui ont peu de moyens
- un impact écologique négatif à court terme : lorsqu’il y a un rachat de véhicule, le gain écologique est égal à la différence entre la consommation de l’ancien véhicule - la consommation du nouveau véhicule – la fabrication du nouveau véhicule.
Cela signifie que le gain écologique sera potentiellement perceptible dans plusieurs années (sur base de l'étude de CIRAIG environ 4 ans si le mix énergétique est très peu émetteur de CO2), en raison de de la fabrication d’un nouveau véhicule. Un véhicule électrique est beaucoup moins écologique à fabriquer qu’un véhicule diesel ou essence en raison des batteries.
Sachant qu’en plus un véhicule est utilisé la plupart du temps moins de 10% du temps (moins de 2h30 par jour) et par 1,3 personne en moyenne.
La prime au covoiturage permettrait d’une part de donner un pouvoir d’achat additionnel immédiat aux utilisateurs (plutôt que d’en retirer avec le coût d’achat d’un nouveau véhicule) et de réduire l’impact écologique de la fabrication d’un nouveau véhicule en incitant au développement massif d’un mode de transport plus écologique, la mobilité partagée.
Principe de la prime au covoiturage
Le principe serait le suivant, tous les véhicules aujourd’hui éligibles à la prime de conversion (mais cela pourrait être étendu en fonction du coût budgétaire – Plus d’infos sur l’éligibilité de la prime)
- repris par des entreprises de « ride-sharing » (auto-partage / covoiturage/ location courte durée)
- qui s’implanteraient dans les zones où habitent leurs propriétaires bénéficieraient d’une prime de covoiturage de plus de 50% de la prime de conversion actuelle (max 6000€),
- une partie de la prime restante serait donnée aux entreprises de ride-sharing
- qui devraient mettre à disposition des véhicules en covoiturage dans des zones facilement accessibles aux habitants (à l’image des solutions actuelles d’auto-partage qui demandent à se garer dans une zone définie).
Les véhicules repris n’auraient a priori vocation à être réutilisés (vu leur ancienneté) mais mis au rebut dans un centre agréé VHU (véhicules hors d'usage) qui se chargera de recycler le véhicule. Les entreprises devront acheter en échange des véhicules électriques ou hybrides (en fonction du rayon d’action du véhicule) utilisés pour le covoiturage.
L’intérêt est d’inciter à changer les comportements vers l’usage plutôt que l’achat de véhicules d’autant que cela devient trop onéreux en particulier dans les zones rurales.
Expérimentation de la prime de covoiturage sur des zones rurales et mal desservies
Afin de vérifier les effets positifs ou négatifs, des expérimentations pourraient être faites dans plusieurs départements ruraux et des zones mal desservies avec des acteurs
- comme Blablacar, Drivy, OuiCar (à condition qu’ils s’appuient sur des acteurs qui s’occupent de la maintenance et du financement de leurs véhicules ce qui n’est pas aujourd’hui leur métier),
- des transporteurs comme Transdev, SNCF (avec leurs filiales de covoiturage) et
- des constructeurs comme Renault, Peugeot qui développent des offres d’auto-partage en free-floating dans des zones délimitées.
Autres options : Prime de conversion pour le leasing de véhicules destinés au covoiturage, indemnité au km covoituré
Il y a aussi d’autres options : la prime de conversion pourrait être utilisée pour l’achat d’un véhicule en leasing qui serait associée à des services de covoiturage ce qui baisserait ses mensualités.
Une autre possibilité serait de favoriser le covoiturage de véhicules avec une prime au kilomètre covoituré (en passant par une plateforme comme Blablacar pour s’assurer de la réalité du covoiturage et simplifierait la gestion administrative des particuliers )
Exemple concret : Coût pour passer d'un Vieux Diesel à une Renault Zoé (électrique)
Afin de concrétiser cela, prenons un exemple, une personne non imposable et parcourant plus de 60 km par jour pour se rendre à son travail (afin de bénéficier du doublement de la prime de conversion) a un véhicule diesel immatriculé en 2005 et veut acheter une Zoé électrique (la moins chère est à 32 600 € TTC dont 8900€ pour les batteries, une Nissan Leaf avec une meilleure finition est à 33 900€ TTC ).
Avec toutes les aides, surprime (5000€) + bonus écologique (6000€, 27% du montant du véhicule cappé à 6000€) , ce Zoé coûterait 21 600€. Pour un ménage imposable (54% des ménages en France), il ne bénéficiera d’aucune prime mais seulement du bonus écologique.
Coût d'un achat d'un véhicule électrique prohibitif malgré les primes et bonus pour des ménages modestes
Pour comparer, aujourd’hui un véhicule essence ou diesel coûte bien moins cher qu’un véhicule électrique équivalent (cf. article Challenges : Clio à essence moteur TCe 0,9 en finition comparable Intens est à 18.850 euros seulement pour une meilleure finition), le bonus permet de réduire l’écart de plus de 40% de prix.
Il y a deux problèmes, le véhicule électrique coûte plus cher qu’un véhicule à essence et il reste plus de 21 000€ à débourser pour des ménages qui n’ont pas les moyens d’investir dans un nouveau véhicule…
1. Prime au covoiturage - Explication monétaire
Voici quelques autres possibilités traduites concrètement (et à challenger) qui permettent d’augmenter le pouvoir d’achat tout en favorisant la mobilité :
1. Prime au covoiturage
Une société de covoiturage reprend ce véhicule diesel de 2005. Le particulier perçoit une prime de 2500€ ( à ajuster en fonction du coût budgétaire).
La société de covoiturage perçoit 1000€ (par exemple par véhicule repris) et doit acheter un véhicule électrique pour 5 véhicules maximum ( à ajuster en fonction du lieu et des besoins, il reçoit donc 5000€ au maximum), le mettre à disposition, le gérer (entretien, réparation…) et proposer une application pour pouvoir la réserver et réaliser du covoiturage facilement.
En concertation avec la collectivité, les véhicules doivent rester dans une zone facile d’accès aux habitants (ayant demandé la reprise de leur véhicule) où il est possible idéalement d’être rechargé.
Évidemment, l’objectif est que cela concerne le grand nombre de personnes pour éviter que deux personnes aient besoin en même temps du dernier véhicule disponible sur des trajets différents.
2. Leasing de véhicules de covoiturage - Explication monétaire
La société de covoiturage reprend ce véhicule diesel de 2005. Le particulier perçoit une prime de 2500€ ( à ajuster en fonction du coût budgétaire) et paie mensuellement un loyer de leasing pour un véhicule électrique.
La société de covoiturage propose de manière simple et facile que ce véhicule soit partagé ce qui réduit d’autant le prix du leasing.
3. Subventionner le covoiturage
Les particuliers perçoivent une indemnité additionnelle en cas de covoiturage à l’image de l’indemnité vélo.
Pour info, les revenus tirés du covoiturage s’analysent en des bénéfices industriels et commerciaux, obligeant ainsi ceux qui les perçoivent à les déclarer sauf s’ils sont tirés de la « coconsommation. Lorsque des frais sont partagés, mais font par ailleurs l'objet d'une déduction du revenu imposable du contribuable pour leur montant réel, cette déduction ne peut être effectuée que pour le montant net des remboursements perçus. Il en est de même si le salarié perçoit des indemnités kilométriques de son entreprise et qu’il perçoit des revenus tirés du covoiturage.
Que faire pour les zones éloignées d'un "hub de mobilité" ?
Dans les zones où il y a une très faible concentration de véhicules partageables (ex : une habitation éloignée de plusieurs kms d’un centre-ville), il est possible d’imaginer la mise à disposition ou l’aide à l’achat de vélos, trottinettes électriques ou non et des « hubs de mobilité » avec une zone de covoiturage et des bornes de recharge pour les véhicules et ces autres moyens de mobilité (vélos électriques, trottinettes électriques) et des zones
Agglopolys, communauté d’agglomération de Blois encourageainsi les modes de déplacement doux en remboursant jusqu’à 400 € pour l’achat d’un vélo électrique dans la limite de 25% du prix d'achat.
Conclusion et Etude sur le véhicule autonome avec Les Echos
Il y a sans doute des imprécisions, des points à modifier, néanmoins l’esprit de cet article est de trouver des solutions en passant en particulier de l’achat de véhicules polluants à l’usage de véhicules non polluants (en fonction du mode de production électrique …) et partagés afin de répondre aux problématiques des citoyens et écologiques.
D’autre part, ces solutions préfigurent la prochaine arrivée des véhicules autonomes qui ne seront dans l’immense majorité des cas pas des véhicules individuels.
Pour ceux qui sont intéressés, j’ai réalisé une étude sur le véhicule autonome, ses impacts dans notre société , le modèle économique des constructeurs, la disruption de nombreux secteurs …
Dimitri Carbonnelle - Contact
Fondateur de Livosphere
Conseil et Speaker en innovation, IoT, IA et Robots collaboratifs / Cobots
Participe au CES Las Vegas 2019 et réalise des debriefs sur les innovations présetes au CES
N.B.
L’augmentation des taxes sur les carburants prévue est de 6,5 centimes d’euro du gasoil et 2,9 centimes pour l’essence. Elle a été rejetée récemment par le Sénat (à majorité de LR) qui vote son gel néanmoins cette mesure devrait être finalement adoptée par l’Assemblée nationale (à majorité LREM) avec potentiellement un retour à une taxe flottante diminuant en cas de hausse du prix du pétrole
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