Lionel Paillet, General Manager de Nest est intervenu pour l'une des premières fois en Europe au sein d'une matinale d’IGNES. Au-delà des valeurs de Nest, il nous a éclairé sur leur stratégie par rapport aux acteurs de la maison (y compris Smart Home, objets connectés), le protocole de communication Thread, concurrent de Zigbee, Zwave … et la relation qu'ils ont avec leur société mère Google et en quoi cela affectait ou non leur vision et stratégie.
Nest garde l'esprit des débuts avant son rachat par Google. Son motto n'est ni la maison connectée, ni la maison intelligente mais la maison consciente. Consciente signifie qu'elle est présente mais sait se faire oublier, elle n'amène pas de contraintes en plus mais vous simplifie la vie afin de vous laisser du temps à en consacrer à ce qui est important pour vous, votre famille, vos loisirs... La maison est un refuge où vous invitez Nest, s'il se comportait mal, il serait normal de le congédier.
La distinction entre Google et Nest a été rappelé avec vigueur pour nous rassurer. Nest fait des produits et n'a pas vocation à utiliser ou réutiliser les données capturées sans le plein gré du
client.
Nest a beaucoup testé ses produits dans chaque pays en Europe avant de s'y lancer. Ils partent sur des principes de bon sens. Plutôt que de lancer directement une alarme stridente, le détecteur de fumée alerte d'abord par une voix féminine d'une trentaine d'années car selon plusieurs études un certain nombre d'enfants ne se réveilleraient pas au son d'un bruit strident. D'autre part, dans 75% des feux aux Etats-Unis, il y a un détecteur de fumée mais bon nombre d'entre eux n'ont ni pile ou la batterie est morte.
Dans un souci de simplicité, il est inutile de programmer le thermostat Nest, il apprend tout seul.
Ils ont prévu un "worst case scenario" où le thermostat et détecteur de fumée Nest fonctionneraient en cas de panne de courant (probable en cas d'incendie !) car ils ont une batterie de secours. Tous deux fonctionneraient alors de manière autonome sans wifi (mais sans pouvoir communiquer avec votre smartphone).
Sur l'interface mobile et web, Nest affichage un nombre de feuilles proportionnel aux économies d'énergie réalisés (compte tenu de la complexité des tarifs et de la difficulté de prouver que les économies d'énergie proviennent bien d'un changement lié à Nest et non à une hausse de température extérieure, il est probable que Nest n'ait pas voulu montrer des économies en euros.)
Nest garde les données personnalisées 10 jours au maximum . ce qui pose la question sur leur technique pour anticiper le chauffage d'une année sur l'autre en fonction de saisons (sans doute sur base de données anonymisées).
Creusons plusieurs points :
Nest s'allume à notre passage
Lorsqu'on passe devant un thermostat ou un détecteur de fumée Nest , il s'allume ce qui est particulièrement utile quand il fait nuit néanmoins cela présente un autre avantage. Un détecteur de fumée et un thermostat s'oublient très facilement, très rapidement, on n'y prête plus attention, en général après un ou deux mois. En s'allumant il rappelle sa présence et nous rappelle son utilité.
Installation
Le thermostat Nest fonctionne avec quasiment tous les chauffages sauf les chauffages électriques, car à l'exception de celui-ci, les autres chauffages sont gérées par un contact sec (commande On/Off) qui est très simple à installer et similaire pour tous ces chauffages.
A l'exception de la France et de la Norvège ( en raison d'une énergie électrique très peu chère due respectivement à la part du nucléaire ou de l'hydro-éléctricité), le chauffage provient d'énergies principalement non-électriques. Compte tenu de la nécessité pour les entreprises en particulier dans l'Internet des Objets de vendre un même produit sur le plan mondial (économies d'échelle, communication, commercialisation, support client simplifié...), c'est assez logique de ne pas proposer directement, une offre pour le chauffage électrique. L'électrique semble plus compliqué à piloter, néanmoins avec l'utilisation du fil pilote, il est possible d'utiliser un même thermostat avec des sorties différentes. La société Qivivo a par exemple deux variantes de son thermostat une pour le chauffage électrique, une pour les autres types de chauffage sur la base d'un meme produit.
En revanche, le thermostat de Nest n'est pas Plug-and-Play par le client à la différence de la très grande majorité des autres objets connectés. Vous devez placer un module sur votre chaudière qui sur base d'une commande du Nest transmettra un ordre On ou Off sur le contact sec de la chaudière pour la commander. Or, peu de personnes osent toucher à leur chaudière même si dans le principe c'est assez simple à installer.
Nest a pris le parti de très fortement vous inciter à passer par un de "ses installateurs agrées" en plaçant des stickers notamment sur leur produit. Cela représente des coûts initiaux importants (déplacement et installation d'un technicien, gestion d'un réseau d'installateurs en direct ou indirect) néanmoins cela réduit fortement les problèmes potentiels de support et même de responsabilité en cas de mauvaise installation.
Nest a annoncé en France son partenariat avec Cedeo, filiale de St Gobain. Cedeo est un des plus importants distributeurs en sanitaire, chauffage et plomberie (250 points de vente sur 1300 selon la FNAS, syndicat professionnel). C'est le premier distributeur à être certifié "ENR Service PRO", certification sur l'efficacité énergétique. Aussi, St Gobain n'est pas fabricant de chaudières, donc Nest ne lui fait pas concurrence. C'est un moyen direct pour Cedeo de rentrer sur le marché du Smart Home sans risquer de se mettre à dos la majorité de ses installateurs .
Pour le chauffage électrique, au-delà des adaptations techniques, il faut pouvoir avoir un réseau d'installateurs ayant reçu une habilitation électrique (B1V, BR, B2, BC...). Ceux-ci ont été la plupart formés sur du matériel Legrand (le marché en aval du compteur électrique est largement dominé par Legrand). Or, Legrand est un acteur important du marché domotique actuel avec Somfy (et ses partenaires IO Control) et Delta Dore. Il fait vivre un grand nombre de ces installateurs et vice versa. Il ne sera pas aisé pour Nest de s'implanter sur le chauffage électrique sans l'aide d'un de ces acteurs. Ils hésiteront certainement à faciliter l'entrée d'un concurrent (actuel ou futur) sur leur marché aujourd'hui encore assez préservé. Inversement, il y a aussi un risque majeur s'ils restent sur la défensive car le marché actuel de la domotique est très réduit alors que le marché du Smart Home pourrait être bien supérieur.
La démarche de partenariat avec Cedeo et sa réussite feront certainement basculer ces acteurs.
Nest : Hub ou pas Hub
Nest ne se positionne pas comme hub de la maison et ne veut pas créer une multitude d'objets connectés dans la maison car comme ils le disent eux-mêmes d'autres fabricants sont bien meilleurs qu'eux pour le faire. En revanche, ils facilitent fortement la possibilité que vous partagiez vos données avec d'autres équipements. Le principe sera similaire à celui existant quand vous connectez votre compte Facebook ou Twitter à un site web en utilisant oAuth 2.0. Ainsi, sur base de l'Opt-in, vous pouvez choisir à qui vous partager vos données. Vous pourriez par exemple choisir de partager vos données avec Uber (dans lequel Google Ventures a investit 258M$ soit plus de 7% du capital;) afin d'allumer votre chauffage en hiver lorsque vous retournez chez vous avec un Uber. Vous pouvez aussi partager les données avec votre DropCam pour déclencher le lancement de la caméra quand Nest détecte l'arrivée d'une personne. Aussi, si vous partagez les informations de votre Nest avec des applications tierces, vous pourriez démultiplier les usages comme l'alerte instrusion, prévenir quand les enfants arrivent ...
Nest ne va pas créer de plateforme comme Apple avec le Home Kit pour rassembler les différents acteurs dans la maison. Comme son programme le mentionne, il va juste faciliter l'interconnexion
entre des produits externes qui "Works With Nest". Le rachat récent de Revolv (hub domotique US) aurait pour objectif surtout d'intégrer une équipe talentueuse et non de poursuivre le produit
puisque celui-ci ne sera plus commercialiser par Google.
Nest, le modèle économique : solo et duo ...
Dans le domaine énergétique en B2C, potentiellement il y a plusieurs modèles économiques. Le premier est de faire payer un abonnement inférieur à 5€ par mois. En France, beaucoup s'y sont essayés (notamment GDF Suez avec l'offre Dolce Vita Zenbox) et Bouygues Télécom avec Ijenko (il y a quelques années), aucun n'a été un succès commercial à ce stade. Peu de personnes sont prêtes à payer un abonnement pour réduire sa consommation électrique. C'est sans doute la raison pour laquelle Nest a pris le parti d'avoir un modèle économique traditionnel dans les objets connectés : faire payer seulement le produit. Néanmoins, s'ajoute à cela le problème de l'installation car comme je l'indiquais précédemment, elle est hautement recommandée pour éviter une mauvaise installation. En revanche, cela surenchérit fortement le prix.
Le Nest coûte 219€ plus le prix de l"installation qui est inférieur à 100€ TTC soit un surcoût supérieur de 30%. Cela fait une somme non négligeable. Cela ne permet d'avoir un produit diffusé massivement sur le marché ce qui est l'ambition de Nest.
Le troisième modèle économique est celui qui permettra à Nest d'être partout dans les maisons. Il reproduit des caractéristiques du modèle télécom. Le principe est de faire subventionner le produit en s'intégrant à un service que les clients sont prêts à payer sous forme d'abonnement ou paient déjà à une entreprise tierce. C'est ce que j'appelle le "Product inside Service Package"
.
Prenons les deux exemples de Nest:
Direct Énergie a signé avec Nest et propose aux nouveaux clients souscrivant à l'offre le Pack Chauffage d'avoir un thermostat Nest pour 149€ au lieu de 219€ avec une installation gratuite.
Deuxième exemple, Electric Ireland offre gratuitement le Nest et son installation à ses nouveaux clients pour un abonnement sur 2 ans.
Côté client : Les principes pour que cette offre soit un succès commercial est que la part de subventionnement doit être complètement intégrée dans l'offre et ne pas être une option additionnelle (comme avoir une offre avec et sans Nest et pour l'offre avec, payer 2€ en plus ). Comme pour les packages bancaires, vous créez une offre distincte de vos autres offres qui intègrent le Nest et d'autres services (un Pack). C'est l'option de Direct Energie (même si en creusant les tarifs, on constate que le surcoût mensuel du Nest est de 2€/mois !)
Côté Fournisseur d'énergie : Il doit être capable de maîtriser sa part de subventionnement par rapport à l'abonnement et facturation mensuels afin que le client soit rentable si possible dans l'année de souscription. Cela est a priori d'autant plus complexe que Nest a pour vocation de réduire la consommation d'énergie !
Les techniques pour parvenir à réduire les risques de dérapage sont directement inspirées des offres et forfaits télécom (NDLR : j'ai passé quelques années auparavant chez l'un d'entre eux ;).
Limitation aux nouveaux clients ou différence de
traitement entre les deux
L'objectif pour les opérateurs d'énergie est de conquérir en premier lieu des nouveaux clients, c'est la raison pour laquelle Nest cible sans doute comme partenaires des opérateurs d'énergie alternatifs, n°2 plutôt que les historiques (ou "incumbents") car une entreprise comme EDF n'a pas d'intérêt commercial à court terme à pousser ses offres qui va cannibaliser sa base clients en réduisant leur valeur. Dans le cas de GDF, c'est participer car il est le premier sur le marché du Gaz mais veut certainement être présent plus largement auprès de tous les particuliers. Les gros peuvent néanmoins être tentés par une stratégie "terre brûlée" qui viserait à tuer ces offres naissantes dans l'oeuf en proposant une offre concurrente très avantageuse mais limitée dans le temps et le nombre de clients. A long terme, ils s'y mettront car les clients n'accepteront plus de ne pas avoir ce service inclus.
Engagement ou Prix supérieur : Pour être capable de subventionner, il est nécessaire de s'assurer des revenus récurrents sur une période suffisante. Pour Electric Ireland, il y a un engagement de 2 ans. Dans le cas de Direct Énergie, il n'y a pas, à ma connaissance, de période d'engagement ou de pénalités de résiliation, le prix d'abonnement est supérieur de 2€ HT / mois par rapport au tarif Online ( ex: 17,38€ au lieu de 15,38 € HT/mois) et le prix au Kwh est supérieur de 7 à 8% par rapport à l'offre Online (la moins chère) et il y un abonnement obligatoire de 8,8€ / mois pour l'entretien chaudière. Ces différentes sources de revenus permettent de financer la subvention. Plus précisément, Direct Énergie doit avoir au maximum un coût additionnel pour le Nest de 140 € (subvention 58€ HT, sans doute moins si Nest vend son produit moins cher à Direct Énergie + 80€ HT maximum pour le coût d'installation). Le coût additionnel de 2€ / mois finance très peu cette subvention (24€/an) à la différence du coût supérieur de 8% au Kwh. Pour une consommation moyenne de 10 MWh par an ( moyenne nationale) et une différence de tarif est de 30€ /MWh par an entre le tarif du Pack Chauffage (égal au tarif réglementé) et le tarif Online et Direct, le bénéfice additionnel pour Direct Energie est de 300€ HT par an. Cela signifie que la subvention est rentabilisée en moins de 6 mois sans compter le surcoût d'abonnement de 2€.
Je n'ai pas trouvé de pénalités si une personne prend une offre Pack Chauffage avec le Nest inclus et résilie dans la foulée ou change vers une offre Online moins chère. CEla peut présenter un risque potentiel pour Direct Énergie.
3. Limitation sur une période : Dans le cas de Direct Énergie, l'offre est proposée entre 18/09/2014 au 31/12/2014. Cela permet de modifier son offre en cas de dérapage.
4. Pour des cibles particulières (hormis la non compatibilité de Nest avec des systèmes électriques), l'offre est réservée aux particuliers ayant un chauffage individuel à gaz alors que le Nest peut être utilisé avec du chauffage à fioul, chauffage pellet... La raison est sans doute de faciliter le processus d'installation et de support de ces clients.
Côté Nest :
Ce type d'offre packagée permet à Nest de rendre presque indolore la fourniture de l'équipement et de fortement démocratiser leur diffusion à l'image des téléphones mobiles subventionnés à 1€.
Je ne connais pas le modèle économique entre Nest et Direct Énergie ou Electric Ireland. Néanmoins, en plus de l'achat classique de produits Nest. Nest aurait le pouvoir de demander l'équivalent d'un pourcentage d'air time en téléphonie mobile, c'est-à-dire un pourcentage sur l'abonnement ou la consommation d'énergie ou un montant fixe par abonnement (par exemple une partie des 2€ additionnels payés par l'abonné Direct Énergie). Cela permettrait à Nest d'avoir un modèle économique récurrent qu'il n'a pas aujourd'hui tout en évitant à l'abonné de payer un deuxième abonnement à Nest. C'est d'ailleur le rêve de toute startup d'objets connectés : faire payer directement ou indirectement un abonnement mensuel au client pour au minimum couvrir ses coûts récurrents (cf article IOT, Objets connectés : Nouvel eldorado, bulle ou mutation ? ) .
Dans le futur
Les offres énergétiques suivront certainement en accéléré le même parcours que les offres télécoms. D'ici quatre, cinq ans environ, nous allons certainement migrer vers des offres énergétiques type forfait où le client paiera un montant fixe indépendamment de sa consommation réelle ( forfait par exemple de 1000 Kwh/mois) avec un surcoût au-delà du forfait. Les forfaits illimités pourraient peut-être exister mais c'est très risqué car à la différence de la minute télécom , le coût unitaire marginal d'un kwh n'est pas nul.
Google et Nest
Est-ce Google aura un accès privilégié à vos données Nest ? Non, répond Nest, il sera traité comme les autres, vous choisirez de partager vos données avec ses applications ou non.
Est-ce la fin de l'histoire ? Pas tout-à-fait .
Quand vous partagez vos données, il y a deux sens possibles. Pour reprendre l'exemple d'avant, vous pouvez permettre à Uber d'accéder à vos données Nest ou vous pouvez donner à Nest l'accès aux données Uber. Dans la plupart des cas, ce sera le second cas : vous reviendrez plus souvent en taxi à votre maison pour la réchauffer que vous ne commanderez un Uber parce que Nest a détecté une présence suspecte chez vous !
Cela signifie que vous allez donner accès à Nest à beaucoup de sources d'informations alors que l'inverse sera plus rare ce qui en fera de facto une sorte de hub presque malgré lui ;)
Concernant Google, ce sera l'inverse. Vous verrez tellement de valeur à partager vos données Nest à Google, que vous le ferez aisément comme recevoir des alertes par mail ou engagez un Hang-out avec vos enfants quand ils reviennent à la maison, planifier un rdv avec votre fournisseur de fioul quand Nest anticipe que vous devriez vous réapprovisonner pour éviter des trop fortes hausses de prix.
Effectivement, Nest ne va pas créer de plateforme en revanche il y a très fort à parier que Google (hors Nest) va créer un Google Home, plateforme pour la maison qui pourra se connecter à Nest ou Dropcam (caméra connectée rachetée par Nest) mais aussi à tous les autres objets connectés intégrés dans "Works with Nest" (Lifx, Mercedes, Whirlpool, IFTTT, Jawbone, Logitech, Chamberlain, Control4, Crestron) et au-delà comme la serrure connectée Okidokeys, August ou Lockitron, les ampoules Holî, voire même Netatmo. D'ailleurs , la première brique a déjà été mise en place avec le lancement de Google Fit qui rassemble les données de santé/bien-être. et intègre des acteurs tels que Withings, Nike, Runkeeper...
Le modèle créé entre Google et Nest depuis son rachat est très vertueux et justifie largement son rachat pour 3,2 Md$. D'un côté, Nest se concentre pour développer des produits, de l'autre Google investit dans les plateformes et les services en découlant et finance tous les investissements de Nest. Un grand nombre de clients Nest seront sans doute prêts à partager leurs données avec Google qui saura les valoriser très fortement auprès d'annonceurs, le cas échéant.
Quid Startups Françaises
Ce cercle vertueux n'existe pas aujourd'hui pour les entreprises d'objets connectés françaises ce qui d'ailleurs présente un risque important pour elles. En effet, leur modèle économique est aujourd'hui fondé sur la vente de produits ( cf article "IOT , Eldorado, bulle ou mutation" . Elles ont deux types de coûts, des coûts fixes liés à la vente du produit (Cost of Goods Sold : BOM, coûts de commercialisation, logistique, ...) et des coûts récurrents liés au support client, service, interface web... Tant que les marges sont élevées et la croissance des ventes (nouveaux clients ou renouvellement) est élevée, ce modèle économique est viable, en revanche si les marges unitaires fondent et les ventes ne compensent pas la baisse des marges, l'effet est catastrophique. La vente de services récurrents pourraient compenser cela mais à quelques exceptions près, peu de clients sont prêts à payer un abonnement même faible pour les services rendus par des objets connectés. D'ailleurs dans "Works with Nest", aucune startup française n'est incluse aujourd'hui et dans Google Fit, seule Withings apparaît. Pour Home Kit et Health Kit d'Apple, Withings et Netatmo ont été intégrés. Les partenaires communs aux deux univers Google et Apple sont restreints à deux entreprises : Withings et Chamberlain (porte de garages automatisées) !
Thread
Dernière partie, présentée par Nest, Thread. Thread est un nouveau protocole de communication (réseau sans-fil basse consommation en 802.15.4) pour faire communiquer les objets entre eux. Il est soutenu par Samsung et les fondeurs de chips comme Freescale, Arm et Silicon Labs. L'objectif est de compléter la communication via Internet par des API ouvertes par une connexion directe en local sans nécessiter une connexion Internet. Fondée sur une couche 6lowpan, il vient en concurrence directe avec Zigbee, ZWave, Enocean, les alliances AllJoyn de Qualcomm et Open Interconnect Consortium.
Pourquoi n'ont-ils pas choisi de prendre un protocole existant ? La réponse est que cela ne répondrait pas à leurs besoins en terme de lourdeur du protocole, fiabilité, simplicité de mise en place... C'est certainement vrai puisque aujourd'hui aucun n'est sorti du lot. Néanmoins, il y a sans doute d'autres raisons comme le paiement de royalties ou la capacité de Nest/Google a imposé un protocole qui répondrait mieux à leurs propres besoins et leur donnerait une bonne longueur d'avance dans le lancement de nouveaux produits ;) Enfin, Thread est fondé sur la fréquence 2,4 Ghz ce qui est aujourd'hui un handicap en Europe car les murs sont en briques ou parpaing à la différence des Etats-Unis où les constructions en bois sont beaucoup plus fréquentes et laissent passer plus facilement les ondes. Thread est un réseau mesh ce qui compense partiellement ce handicap, néanmoins il devra certainement intégrer du 868 Mhz (Europe) et 900 Mhz (Etats-Unis) à terme s'il veut s'imposer sur le plan mondial et s'intégrer dans les habitats (en particulier si le compteur est à la cave ou dans le garage).
Conclusion
Les prochains mois seront passionnants car le premier acteur de l'IOT avec le support de Google vient sur le marché européen. Cela va fortement bousculer les acteurs traditionnels qui devront délivrer un service à leurs clients et pas seulement un produit. C'est une formidable opportunité pour les acteurs français des objets connectés. Ces derniers vont apprendre à passer d'un mode artisanal à un mode industriel, ils feront évoluer leur organisation, leur communication, leurs processus pour fournir des millions de personnes des produits et services de qualité tout en gardant un esprit startup et innovant. Ce ne sera pas sans difficulté en particulier pour les premiers salariés de ces entreprises qui verront leur société se transformer, se rationaliser et verront sans doute une partie de leur âme initiale partir. En revanche, ces entreprises sont les ETI puis les grands groupes de demain ... s'ils ne se font pas racheter par des grands groupes notamment français d'ici là...
N'oublions pas qu'il n'y a qu'une seule entreprise de moins de trente ans dans les 100 premières françaises : Free. En Europe, il y en a neuf et aux Etats-Unis 63 !
Dimitri Carbonnelle - Fondateur de Livosphere - Conseil IOT, objets connectés et digital
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Jonquieres (mercredi, 19 novembre 2014 10:38)
Votre article est passionnant. Quelques questions me viennent spontanément : Quelle distinction faites-vous entre Domotique et Smart Home ?
Quid du BLE pour les objets communiquants face à Zigbee et 6Lowpan ?
Guillaume (mercredi, 19 novembre 2014 13:18)
Merci pour cette article. Pour répondre au précédant commentaire, BLE n'a pas la même portée que zigbee. BLE est plus dédié pour le PAN (ou wearable devices). BLE semble etre le protocole pour tous les objets graviant autour du smartphone.
Concernant l'article, 2.4GHz est la frequence aujourd'hui disponible partout dans le monde: ce n'est pas le cas du 868 (d'où Z-Wave US et EU) ce n'est pas le cas du DECT ULE (différent aux US et en europe). Par contre, il y a une volonté mondiale pour ouvrir le 920MHz et le limiter à 802.15.4 pour la MAC : Thread prend tout son sens ici, Silabs, vendeur de puces subgiga aussi...
Suivre l'évolution de la libéralisation du 920MHz dans le monde est je pense un point clé pour le développement d'une norme mondiale et standard dans l'IOT.
Cordialement,
GL
livosphere (jeudi, 20 novembre 2014 09:22)
Merci pour vos commentaires
@Jonquieres
Smart Home & Domotique
Grosso modo Domotique et Smart Home couvrent les mêmes domaines, ils sont utilisés souvent comme synonymes mais chaque terme a une connotation différente. On utilise aussi le terme Home Automation.
Domotique évoque une période où ce secteur était un marché en devenir mais qui ne venait jamais car les solutions étaient propriétaires, chères, compliquées à installer et réservées à un petit nombre.
Le Smart Home a une connotation positive, moderne et fait référence à cette maison capable de s'adapter à nos besoins, à nos contraintes alors qu'on devait s'adapter à la domotique pour le faire fonctionner. L'utilisation de l'anglais y ait sans doute pour quelque chose
BLE, Zigbee et 6LowPan
Concernant le 2ème point, pour compléter ce que dit Guillaume, le BLE (Bluetooth Low Energy ou Bluetooth Smart) est intégré dans tous les smartphones, laptops, tablettes récents c'est la raison pour laquelle il est utilisé par la plupart des objets connectés qui communiquent directement avec le smartphone. Il fait partie des technos utilisées pour le PAN (Personal Area Network avec des portées de quelques cm à plusieurs mètres) et utilisé pour les wearables mais pas uniquement (ex: Flower Power de Parrot).
Le Zigbee est aussi une techno du PAN, complémentaire au Bluetooth car il a une plus grande portée. Il utilise la même fréquence des 2,4 GHz comme le WiFi. En revanche, il nécessite un "dongle" / clé USB à mettre sur une box ADSL pour faire le lien entre l'objet connecté et la box ADSL afin de communiquer par Internet. Pour cette raison, il y a peu d'objets connectés utilisant du Zigbee ( hors équipement de Smart Home et à l'exception notable de la Philips Hue) comparativement aux objets connectés utilisant du BLE ou du WiFi. Le WiFi permet d'avoir un lien direct avec la box ADSL mais cela consomme beaucoup plus d'énergie et nécessite en général de relier l'appareil à une prise électrique.
Le 6lowPan est un protocole permettant de communiquer sur les mêmes fréquences 2,4 GHz mais avec une version allégée de l'IPV6 (en-têtes beaucoup plus légers). Comme le Zigbee il répond aux exigences de l'IEEE 802.15.4 qui est une famille de protocoles de communication standardisant les réseaux sans fil LR WPAN (Low Rate Wireless Personal Area Network) du fait de leur faible consommation et du faible débit des dispositifs. Zigbee, 6lowPan, ZWave et Thread (de Google) sont concurrents.
@Guillaume
Libération des fréquences
Il n'y a pas que le 2,4 Ghz qui est une bande libre (ou bande ISM (industriel, scientifique, et médical), bande qui ne nécessite pas d'autorisation pour être utilisée) mais aussi le 5,8 GHz utilisée par le WiFi ac ou 802.11 ac et encore d'autres...
Dire qu'il y a une volonté mondiale pour libérer le 920 MHz et que c'est clé au développement de l'IOT est à mon avis erroné pour trois raisons.
1. En général, les fabricants intégrant des antennes capables de capter la radio sans fil en 868 MHz (863 MHZ à 870 MHz, fréquences libres en Europe) sont aussi capables de capter du 915 Mhz (+/- 13 Mhz) (fréquences libres aux US) pour éviter de fabriquer des produits différents entre l'Europe et les US.
2. Cette fréquence est déjà libre aux Etats-Unis (évidemment ils ont tout intérêt à ce qu'elle soit une norme mondiale car ils n'ont rien à changer ;) Enfin, les US veulent libérer les fréquences entre 470 KHz et 763 KHz, près des 433 MHz qui sont libres en Europe et utilisées notamment par des casques sans fil, les télécommandes ...
3. De plus, en Europe le 920 MHz (ou 915 +/- 13 Mhz qui est la plage de fréquences libres aux US) est utilisée par les opérateurs télécoms pour la 2G et la 3G ( de 880 Mhz à 959 MHz) et je ne les vois pas la lâcher, compte tenu des coûts que cela engendrerait de modifier leur infrastructure réseau et des coûts de licence 2G et surtout 3G payés pour pouvoir les utiliser. Le seul cas est le Japon, qui libère cette fréquence à la place du 955 MHz pour être compatible avec les fréquences US.
Thread
Thread utilise le 6lowPan en couche basse et est en 2,4GHz et pas en 868 MHz ou 915 MHZ (aujourd'hui en tout cas).
Dans "The IOT Book" ( http://www.theiotbook.com ) qui sort bientôt, je décris plus en détail les différences entre ces technos et les problématiques des fréquences radios.
Dimitri Carbonnelle (auteur de l'article)