Eldorado des objets connectés : Capteurs, Plateformes, Cloud... mais où sont les français ?

Après la partie émergée de l’iceberg, jetons un œil sous le capot des objets connectés, la partie immergée. Des nombreux acteurs fabriquant des briques nécessaires au fonctionnement des objets connectés ont fait des annonces au CES : Intel, Qualcomm, STM…

 

Pourquoi ?

 

Les objets connectés sont une nouvelle ruée vers l'or. Comme en 1868, il y a et aura beaucoup de chercheurs d'or, certains deviendront riches, mais la plupart y perdront leur plumes, les charlatans eux en gagneront mais mélangés au goudron, mais les grands gagnants seront comme toujours ceux qui fournissent les pelles & pioches ...

A l'extérieur, un objet connecté n'a rien de commun avec un autre objet connecté. En réalité, beaucoup de briques nécessaires pour les créer et les faire fonctionner sont communes.

 

Les éléments génériques aux objets connectés sont principalement les parties non visibles pour le client  :  les capteurs ou MEMS, les microcontrôleurs qui gère les données collectées, les batteries, les modules de transmission (Bluetooth/BLE, WiFi, GPRS/3G, 868 Mhz…), le réseau de transmission (IP, GPRS/3G, Sigfox…), la plateforme de services qui héberge, analyse et restitue ces données.

Le Rapport CES d’Olivier Ezratty (p229 notamment) offre une très bonne analyse de ces différents acteurs dans les objets connectés notamment. Aujourd’hui, la seule entreprise européenne présente de manière significative sur ce marché est ST Microelectronics ce qui tranche nettement avec la foison de fabricants d’objets connectés français et européens.

 

Le modèle économique de ces acteurs est de vendre au plus grand nombre le maximum de composants standards à des marges unitaires faibles afin d’amortir les investissements fixes de départ et gagner du CA sur le volume. Leur chiffre d’affaires est en général bien supérieur à celui des fabricants d’objets connectés.

 

Leur stratégie est simple : créer un cercle « vertueux » : réduire les prix des composants et d’intégration afin d'augmenter leur volume de ventes et l’utilisation de leurs produits ce qui permet de réduire encore leurs prix et ainsi accroître leurs ventes … 

Pour cela, ils facilitent au maximum l’intégration de leurs produits, favorisent la création, le développement et l'usage d'objets connectés et tout l’éco-système autour. Par exemple, Intel a présenté sa carte Edison, un nano-ordinateur (mais avec des instructions x86 qui n’est pas ce qui a de plus récent !) dans une SD Card pour environ 70$ avec Bluetooth et WiFi  intégrés. Ils l’ont récemment agrandi et modifié en intégrant plus de connecteurs. Il aide et récompense les startups à développer des produits autour de ce produit au travers d'Intel Labs.

 

C’est la première fois à ma connaissance, qu’Intel vend un produit packagé en lieu et place du traditionnel « Intel Inside».   Son entité de Venture Capital – Intel Capital a aussi investi dans Sigfox, réseau bas-débit pour objets connectés, dont Anne Lauvergeon (ex-Areva) est devenue présidente du Conseil d’administration.

Qualcomm a une démarche différente, il lance un produit vitrine la montre connectée Toq  afin que des fabricants emboîtent le pas et créent à leur tour des objets connectés sur une base similaire. Ils peuvent utiliser ou s’inspirer du reference design / blueprint réalisé par Qualcomm afin de gagner du temps et des ressources car au final ils utilisent les composants Qualcomm.

 

STM réalise de plus en plus des All-in-one ou System-on-Chip (SOC) où les capteurs, accéléromètres sont intégrés directement. Par exemple, les accéléromètres STM sont souvent associés au capteur de température pour un surcoût ridicule c’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle le motion capture de Mother intègre la mesure de température en plus de la détection de mouvement.

 

Cette stratégie d’ouverture tranche avec celle des fabricants comme Samsung, Sony, Panasonic et consorts comme l’illustre la différence de conception des stands.

Intel Qualcomm Panasonic Sony Samsung

Elle a un impact énorme. Elle est la corne d’abondance des objets connectés en démocratisant leur création. Chaque jour, une multitude de nouveaux objets connectés apparaissent. Elle pourra être aussi l’épée de Damoclès de nombreux fabricants d’objets connectés car en baissant la barrière à l'entrée, la concurrence est bien plus rude, les prix chutent ainsi que les marges.

 

Les fabricants de composants poussent l’intégration encore plus loin car ils se rapprochent des sociétés proposant des plateformes de services pour faciliter l’échange de données entre les capteurs et le cloud comme l'illustre l'alliance entre TI (Texas Instruments) et des acteurs du Cloud : 2lemetry , ARM , Arrayent , ExositeIBM , LogMeIn , Spark , and Thingsquare

 

Les plateformes visent deux types d’utilisateurs                              

  • des particuliers qui souhaitent avoir une interface unique qui regroupe les différentes informations provenant de leurs objets connectés,
  • des entreprises qui gèrent un ensemble de produits connectés.

Pour les clients :

Pour faciliter la vie des clients, de nombreux fabricants permettent aux utilisateurs de rapatrier leur données sur des plateformes différentes de leurs produits. Je peux suivre mon poids provenant d’une balance Withings ou du Pulse sur mon compte Fitbit et vice versa alors que tous deux sont concurrents.

 

Cette interopérabilité est certainement un des facteurs de développement des objets connectés mais  il mène à un grand paradoxe économique très gênant.

 

Avec l’ouverture des données et les réductions des prix, vous pouvez avoir une plateforme qui agrège de plus en plus de données d’équipements que vous n’avez pas produit. Grosso modo, vous financez une plateforme qui est utilisée par d’autres et qui ne vous rapporte rien …La stratégie du coucou en quelque sorte.

Pour les entreprises

Deuxième type de clients, il y a les entreprises qui veulent vendre de nouveaux services à leurs clients en connectant leur produit par exemple la maintenance intégrée, l’achat automatique de consommables (cartouches d’encre, capsules de café…)

 

Celles-ci souhaitent non seulement fournir une interface à leurs clients mais aussi avoir une interface d’administration qui leur permettent de gérer leur parc d’équipements, de savoir quels sont ceux en panne, ceux qui ne sont plus utilisées,. Leur plateforme doit pouvoir recueillir les données de leurs équipements, les traiter, alerter en cas de panne et même être connecté à leurs autres SI :SI du service client, SAV, facturation, CRM… Ainsi lorsqu’une panne survient ou est anticipée, un technicien pourra diagnostiquer à distance et planifier directement un rdv ave le client final. 

Plateforme : To Do or Not To Do

Deux options s’offrent à l’entreprise soit créer sa propre plateforme de services soit faire appel à une société extérieure.

 

La plupart des entreprises commencent par faire leur propre plateforme, le problème est leur "scalability". Tant qu'il y a peu de "devices", d'appareils connectés, cela ne pose pas de problème. En revanche, dès que l'on a un peu de volume, comme une dizaine de milliers, on peut être confronté à des temps de latence, beaucoup trop longs, des plantages qui peuvent paralyser tout le parc, une intégration complexe avec les SI internes...  

 

Comme souvent les entreprises n'ont pas comme cœur de métier, la création et l'exploitation de plateformes d'objets connectés. Elles se retrouvent face à des plateformes qu'elles ont mis parfois plusieurs années à développer avec beaucoup de ressources mais quelles ne peuvent maintenir car elles ne tiennent pas la charge. On se rend compte souvent du problème qu’après le développement et la mise en production de la plateforme. Cela provoque une perte de temps et de ressources s'il faut changer d’architecture voire de plateforme.

Aujourd'hui il y a encore assez peu d'acteurs qui sont spécialisés dans les plateformes d’objets connectés à destination des entreprises et de leurs clients finaux. Il y a notamment  Arrayent, présente au CES et depuis janvier en Europe qui intégre tous les maillons software nécessaires de la collecte de données par Zigbee, Zwave (mais pas encore Enocean ou 6lowpan), jusqu'à l'intégration dans le CRM, Salesforce.

 

 

L'investissement d'Intel dans leur capital est un précieux soutien à leur développement. Il y a d'autres entreprises qui se développent et vont se développer sur ce créneau comme l'illustre l'alliance TI cité ci-dessus. Les besoins sont énormes, en revanche compte tenu de la quantité de données et des exigences accrues des entreprises, la bataille se jouera certainement autour des gros acteurs comme Google, Amazon, Salesforce qui investissent de plus en plus sur ces sujets. 

Conclusion

Aujourd'hui, il y a encore peu d'acteurs français et même européens sur les capteurs et composants électroniques (hormis STM), les infrastructures dédiés aux objets connectés réseau et plateformes de services (hormis Sigfox et les opérateurs télécoms), or ce sont eux qui seront les premiers "drivers" de l'Internet des Objets. Ils capteront la plus grosse partie des revenus, centraliseront la plus grosse masse de données, feront et deferont les futurs standards de l'IOT.

 

En plus des fabricants français des objets connectés, partie B2C et émergée, la French Tech doit aussi se développer sur les parties immergées au risque sinon d'être totalement dépendant d'acteurs non-européeens à l'iamge de ce qui s'est passé pour Internet.

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